Ici commence,

Récits et portraits de l'Univers Véga par Miles Krater



Les Astro-routes laissèrent place aux voies-sidérales, comme s'éteignent les bougies. Plus loin, étendue, la nébuleuse semble nous barrer la route, sa poussière pourpre balisant l'horizon comme un signal protecteur. Le périple touche à son but lorsque s'arrête l'Univers connu. Derrière, par delà l’épaule du voyageur, le souvenir est en marche, sa pensée va vers ceux qu'il laisse.
S'il fallait énumérer les peines à partir et les raisons de rentrer, il n'aurait jamais quitté la deuxième Galaxie.
Poussière devant, l'inconnu est assez sombre, il faudra composer avec. Dans le noir continuer d'avancer, compter les jours obscurs. Vu d'ici, le plus dure reste à faire. Vu d'ici, il envisage de retrouver les siens écourtant son voyage, nulle gloire ni défit ne l'attendaient, son combat est ailleurs, ni passé ni devant.

Il est parfois difficile de discerner peine et plaisir. Le voyageur doit il pleurer son départ ou se réjouir de son retour? Aux confins des mondes la contemplation, comme scintille l'unique Lune de Deld-Doran, orbite feutrée, jamais larme ne s'était tant conjuguée de bonheur. Les larmes sont des comètes, elles naissent lorsqu'un globe, soupirant, les laisse s'échapper. Réchauffent un peu les cœurs lorsqu'elles perlent effrénées. Puis terminent leur course éclatantes, lorsqu'elles se heurtent aux limites de l'Univers.

Et là bas. Nul sirène, ni fumée ni odeur. Nul ne l'attend sinon lui même. Immergé dans ses pensées, chaque pas dans l'ombre emportera sur l'autre un peu de son histoire. Il verra naître et rompre les étoile, sera le jour spectateur de l'exploit, et la nuit, l'arbitre fatigué. Il lui faudra continuer, là bas est son récit, dans ce futur stellaire imperturbable où les mots jamais ne raisonnent. Alors il pensera, à l'avenir, et marchera vers lui. Le bruit est passé, il le quitte.

Ici commence, son voyage dans le présent.

Le premier échange se fait avant tout par voies neuronales. Un bilan sanguin ainsi qu'un scanner. Il sont effectués dans le tube cryogénique, sorte de cylindre réfrigéré ayant servit de chambre et préservé l'enveloppe corporelle du passager durant son voyage. Les données mémorielles préalablement sauvegardées sont alors réimplanté au sujet.

Le caisson pressurisé s'ouvre alors, un nuage de fumée s'en échappe. Il s'agit de sa première expiration depuis plusieurs mois. Le nuage d'air condensé s’envole avec grâce dans la vaste cabine avant de disparaître.

Dans le même temps, l'ensemble du vaisseau Icaria II est également inspecté avec minutie. Des systèmes de propulsion au module de combat, aucune anomalie n'est détectée. Icaria II est un modèle de Classe M, une corvette diplomatique assemblée dans le chantier spatial de Kardalar, fierté de la République souveraine de Méléore. Par le hublot de la passerelle de commandement, on peut apercevoir l'emblème de La Grande Coalition inscrit sur l'avant de l'appareil.
Une lueur soudaine étreint la pièce, d'un blanc incandescent. Comme si ses yeux étaient maintenu grand ouvert dans un face à face avec le Soleil. Le choc est d'une rare violence, la lumière irréelle l'enveloppe intégralement, broyant ses rétines. Une peur irrépressible l'envahit alors, la destruction du vaisseau, la mort...
Puis l'éclat de lumière s'apaise enfin, le halo se dissipe tandis que ses yeux s'habituent aux éclairages froids et uniformisés du vaisseaux Diplomatique.
Se redressant à présent et observant la pièce désespérément vide, ses premiers mots allèrent à l'ordinateur de bord:

« Inscrivez au journal: 2ème mois de l'année stellaire. Avons rétablis le contrôle manuel, trajectoire de vol inchangée »

Puis saisissant sa commande de radio communication:

« L.G.C? Ici Miles Krater, vous me recevez? »

Cette voix lui était familière, mais quelque chose n'allait pas. Il fallait gagner du temps:

« Je répète ici..FRRKFRR..L.G.C..FFFRKK..»puis il bascula l'interphone sous le caisson de refroidissement situé derrière le tube cryogénique, dont le vrombissement  grinçant poursuivit de perturber le signal.

Chacun est familier du facteur confusionnel qui surgit au sortir de l'hyper-sommeil. D'instinct les souvenirs vous guident, balisent le vécu émotionnel de l'individu, qui réagit avec doute et suspicion. Le sentiment récurent est celui du réveil après un rêve, à ceci prêt que le rêve était bien réel.

Tandis que la Commerciale Wolfram s'évertuait à entrer en communication avec un caisson de refroidissement. Miles Krater déploya une fenêtre holographique afin d'étudier le dossier de la Citoyenne qui lui avait répondu.

Très vite ses craintes furent confirmées. Lady Wolfram, criminel et traitre à la Fédération. Il s'agissait là d'une transmission à haut risque avec un ennemi direct. Mais pourquoi le réseau interne L.G.C? Son canal de communication avait il était piraté? S'il n'arrivait pas à entrer en communication avec l'Alliance... Tandis que son esprit retrouvait sa pleine mesure, il poursuivait la lecture du dossier, lisant comme l'on relis une lettre qu'on a déjà lu, à présent les choses étaient limpides:

« -Comment allez vous Wolfram? Je vous reçois parfaitement. »

La réhabilitation de la Citoyenne Wolfram avait fait grand bruit dans la Fédération. Mais comment grandiraient les peuples sans rédemption, si l'on ne peut se tromper et apprendre de ses erreurs? Oui le pire avait été évité de justesse, mais plus important encore, l'Alliance s'en trouvait renforcée. La Citoyenne Wolfram était à présent un symbole de L.G.C, mais pas du désunion. Figure politique elle proposait aujourd'hui des mesures novatrices au sein de la branche Commerciale de l'Alliance. Les divergences du passé avaient laissé place à la confiance et au respect mutuel. Les souvenirs confus de Guerres fratricides s'envolaient, il n'aurait pu établir meilleur contact.

Accédant au clavier de commande, il lança le téléchargement du fichier.

//Réseau inerne L.G.C / Transfert en cours./..Rz827d extinction sur Karadyir///

Des centaines de Systèmes séparaient la transmission d'Icaria II des centres de communications de La Grande Coalition située en Galaxie 2. Le transfert de données, dans un crépitement régulier, unique bruit à bort du vaisseau, l'invitait à la méditation.

En périphérie de la 1ère Galaxie s'étend le Système des Karads, dont la capitale Karadyr est surnommée la Grande Rousse. Plus grande planète du Système, son aura  orange flamboyante peut être aperçu depuis les Galaxies voisines les nuits d'été, lorsque le ciel est parfaitement dégagé. Sur Méléore, les enfants apprennent très tôt à trouver Karadyir en scrutant les étoiles. Mais l'Histoire de Le Grande Rousse est également enseignée dans les manuels d'instruction dès le plus jeune âge.
L'influence de l'Empire Karads dépasse de loin les frontières de son propre Système. Autrefois, aux balbutiements de Véga, l'Union des Fédérations Libres l'avait proclamé Capitale de la Première Galaxie du fait de son importance stratégique et de son rayonnement culturel et commercial. A son apogée, l'Empire Karads était parvenu à sécuriser la Première Galaxie en réduisant les tensions et divergences politiques et maitrisant les Tyrans galactiques.
Considérés comme de fins Diplomates les Karads ne l'étaient cependant pas physiquement. D'aspect humanoïde, les Karads sont bien plus larges et trapus que les Terriens. Le vert pale de leur peau est la seconde nuance immédiatement remarquable qui vient mettre fin à la comparaison aux Humains. Mais leur apparente lourdeur physiologique est contrebalancée par une aptitude naturelle à l'éloquence et la parole. Les Karads sont capable de convaincre, d'apaiser, et d'unir les peuples. Un jeune Sénateur Karads parle couramment une cinquantaine de dialectes astrales au sortir de l'Académie, et environ une centaine de plus lorsqu'il termine sa carrière. Une passion pour l'histoire et le savoir des peuples anime les Karads, presque aussi voraces de lecture que de ripaille. Véritable gloutons verts, il se dit des habitants de La Grande Rousse: qu'ils ne se disputent jamais, sauf si le dessert est en jeu.

Lorsque l'on pénètre son atmosphère, chaude et chargée d'humidité, l'on découvre sous le manteau de nuages jaunes et oranges, une jungle luxuriante.  Il faudrait deux vies pour la traverser, elle semble recouvrir intégralement la planète. Au premier coup d'oeil, ces étendues paraissent vierges et sauvages. Cependant, de grandes sphères translucides, que l'on ne détecte qu'à basse altitude, semblent abriter leur civilisation. Ces dômes gigantesques sont le passage par lequel s'engouffrent les vaisseaux. Dénotant avec ce paysage harmonieux, ces Statio-ports sont un mal nécessaire aux commerce inter-galactique. Mais afin de préserver toute la splendeur des lieux, c'est sous terre que sont battis les routes et les villes, de ces maitres de la terra formation.
Les Karads vivent ainsi, en symbiose parfaite avec leur environnement. Ils ont su tout apprendre de lui, de sa faune et de sa flore.
Les sciences, le respect et l'étude de leur planète les aura sans doute conduit à apprendre encore plus loin, par delà les mondes.  


.../ Transfert effectué//


A l'ordre du Consulat Diplomatique L.G.C
Ordre de mission: Rz827d -M,Krater-
Provenance: -G1: Système Karads-
Statut: -Prioritaire-

Extinction sur Karadyr


J'ai siégé à l'Assemblée extraordinaire composée des Alliés du peuple Karad. Les rumeurs qui s'étaient propagées ont été accréditées par le Haut Conseil lui même. La Grande Rousse subit effectivement un choc démographique de nature inconnu. En 6 mois, la population de Karadyir a diminué de 26%, c'est effroyable. Au train où vont les choses, d'ici deux ans, pourrait se produire la première extinction de Race au sein de Véga.
La cause de ce péril est inconnu, et les délégations scientifiques présentes, n'ont pas été capable de dégager un consensus. La thèse de l'affaiblissement génétique fut abordée mais sans être démontrée. De la même façon, aucune corrélation entre l'atmosphère de Karadyir ou d'éventuels dérèglements climatiques ne furent soutenus en masse. Enfin, la question d'un génocide commandité eu peine à être entendu car aucun ennemi ne leur est connu à ce jour. Quoi qu'il en soit, le bilan est alarmant, et plus encore que les raisons du fléau, c'est l'avenir de ce peuple qui agita les débats. Clônage, transfert génétique sur population indigène, programme de mutation accélérée. Les projets les plus fous semblent à présent envisageables, même pour ce peuple d'ordinaire si pondéré. Faire vaciller Karadyir c'est menacer l'équilibre de la Première Galaxie, et je pense que tout ceci doit profiter à quelqu'un.